Les minéraux et matériaux

de construction et d’ornementation

dans l’Antiquité

Qu’il s’agisse de matériaux pour la construction, d’embellissement de monuments ou plus simplement de tenues vestimentaires, dès l’Antiquité les minéraux sont omniprésents dans les activités humaines.

Grenat variété grossulaire dans un micaschiste, Bretagne.
Cristaux de zircon (ZrSiO4) de formes différentes provenant de Madagascar et de Norvège.

Liants traditionnels utilisés dans les constructions dès l’Antiquité

P our la construction d’édifices, les blocs de pierre sont scellés les uns aux autres à l’aide de mortiers. Ceux-ci sont constitués de granulats (du sable par exemple) et d’un liant destiné à assurer la cohésion de l’ensemble en durcissant. Les minéraux impliqués dans les liants de la construction antique sont : les argiles, la calcite , le gypse et le quartz du sable. Les cendres volcaniques appelées pouzzolanes sont aussi utilisées comme liant et durcissant.

La calcite, les argiles et le quartz sont sans aucun doute les minéraux les plus importants dans la construction antique. Ils permettent aux Romains de fabriquer les premiers mortiers de chaux, les ciments naturels et les premiers bétons des grands édifices de la Rome antique et en Gaule. La nature de ces matériaux de construction restera inchangée durant 2 millénaires !

Les premiers écrits ont été faits sur tablettes d’argile en Mésopotamie.

Le gypse (CaSO4.2H2O) permet d’obtenir du plâtre, par chauffage à 180°C. Lorsqu’il est mélangé à du sable et de l’eau, il est utilisé comme liant et enduit dès l’Antiquité notamment en Egypte.

La cuisson de la calcite à 800°C produit la chaux vive (CaO) qui est éteinte avec de l’eau, c’est l’hydroxyde de calcium (Ca(OH)2), avant d’être mélangée au sable. Ce mortier durcit lentement au contact de l’air. C’est un cycle comportant 4 étapes : calcination, extinction, hydratation et carbonatation :

Les romains obtiennent aussi de la chaux hydraulique en utilisant des calcaires marneux (roche sédimentaire composée de calcite et d’argile en quantités équivalentes). La calcination se fait cette fois entre 800 et 1000°C. Elle produit, en plus de la chaux, une proportion de silicates de calcium et d’aluminium qui réagissent avec l’eau. Il y a dans ce cas deux effets : une prise hydraulique rapide et une carbonatation lente.

En ajoutant des cendres volcaniques altérées, les Romains inventent aussi un véritable ciment naturel appelé ciment romain. Il est très résistant, car plus riche en silicates de calcium et d’aluminium. Ce ciment, une fois mélangé à du sable et des galets, donne le béton romain. Ce béton est utilisé dans la construction du Colisée et du Pont du Gard, par exemple. Un parement de pierre, de marbre (de Carrare par exemple) ou de mosaïques est ensuite ajouté recouvrant le béton pour l’aspect esthétique.

Mosaïque de Grand, Vosges

La mosaïque

La mosaïque est un assemblage de petits cubes de pierres colorées juxtaposés de façon à former un dessin. Ils proviennent de roches telles que des grès ou des marbres, des minéraux, de l’or ou encore de l’argent ou du verre. Les premières mosaïques utilisent directement des galets de tailles inégales et de différentes couleurs.

Les fragments appelés tesselles, sont assemblés à l’aide d’enduits, de minéraux argileux ou de mortier.

L’utilisation de tesselles permet de réduire les interstices entre les éléments, de les adapter les uns aux autres et de réaliser des motifs plus fins et plus précis. La plus ancienne mosaïque de tesselles a été découverte à Morgantia en Sicile et datée du IIIème siècle avant J.-C.. D’abord employée pour l’ornementation des sols durant l’Antiquité romaine, elle devient également mosaïque murale au Moyen-Age.

Cristaux de zircon (ZrSiO4) de formes différentes provenant de Madagascar et de Norvège.

Pierres précieuses et pierres fines dans l’Antiquité

L’Homme a toujours été très sensible à l’éclat, aux couleurs, à la pureté et la rareté de certaines pierres et minéraux (les gemmes). Ces gemmes composent les parures, on leur attribue de nombreuses vertus. Elles sont aussi utilisées dans les rites depuis plus de 4000 ans. Un véritable commerce des pierres se met en place dans le monde méditerranéen et avec des peuples lointains des Indes à la Chine.

Les gemmes peuvent être des roches esthétiques, des minéraux purs extraits de mines ou de dépôts alluvionnaires, mais aussi issus d’organismes vivants. Il s’agit alors des biominéraux (nacre, perles fines, corail).

Dans l’Antiquité, les pierres fines et précieuses sont utilisées brutes ou simplement aplanies par usure et utilisées en plaquettes ou encore polies en cabochon et montées en bague. Des artisans réalisaient des tailles en relief, comme des camées, ou en creux, des intailles, sur des pierres translucides ou des biominéraux.

Les couleurs des pierres et minéraux sont généralement liées à la présence, dans la structure du minéral, d’éléments en faible concentration comme le fer, le manganèse, le chrome, le cobalt ou le magnésium.

Pierres fines

Il existe toutes sortes de pierres fines, par exemple le lapis lazuli, les porphyres (roches volcaniques), le jade, la néphrite. Ce sont aussi toutes les formes de silice : cristal de roche (quartz) dont l’améthyste violette (SiO2), agate et calcédoine, l’onyx noir, cornaline rouge et jaspe vert, les opales de feu. Les biominéraux comme les perles fines, la nacre et le corail rouge furent très utilisés dès l’Antiquité. Le zircon (ZrSiO4) est composé de silice (SiO2) et de zircone (ZrO2). Il est utilisé notamment en joaillerie. La lazurite ((Na,Ca)8(AlSiO4)6(SO4,S,Cl,OH)2) est employée en marqueterie de pierre. Enfin, le béryl bleu (Be3Al2Si6O18) est l’aigue marine du Pakistan.

La variété cryptocristalline de la silice (cristaux de taille inférieure à celle des observables par microscopes) comme l’agate ou la calcédoine veinée, l’onyx noir, la cornaline rouge ou le jaspe vert, furent taillés par les Romains. C’est également le cas de l’opale, qui a une structure précise responsable de ces couleurs vives et changeantes.

Pierres gemmes

Elles ont toujours été activement recherchées : ce sont l’émeraude qui est un béryl vert, le saphir ou le rubis qui sont des corindons (Al2O3) colorés, et bien sûr le diamant. Le béryl vert est l’émeraude exploité en Egypte.

Les quatre gemmes : l’émeraude (béryl vert, Be3Al2Si6O18), le rubis rouge et le saphir (variétés de corindon, Al2O3), le diamant (dans sa gangue de roche volcanique).

Les variétés précieuses sont les saphirs bleus, roses ou jaunes et les rubis rouges provenant surtout des Indes et de Birmanie.

Le diamant blanc pur, jaune, bleu ou noir est aussi très recherché et provient des Indes ou d’Afrique.

 

Peinture romaine au cinabre, Arles

Les pigments minéraux pour la décoration dans l’Antiquité

Comme pendant la Préhistoire, les noirs organiques ou minéraux, ainsi que les oxydes de fer, les terres, les ocres naturels sont toujours utilisés durant l’Antiquité.

Pour obtenir du blanc, des pierres blanches traditionnelles (calcaire, kaolin, gypse) ou encore du carbonate de plomb appelé céruse (Pb(CO3)2.Pb(OH)2) sont utilisés.

Pour les jaunes, l’orpiment (sulfure d’arsenic As2S3) et le massicot, c’est-à-dire l’oxyde de plomb PbO produit secondaire de la galène PbS, sont utilisés.

Pour les rouges, le minium (Pb3O4) est un beau rouge qu’on obtient à partir de la céruse, mais il est très toxique comme la céruse, et instable en présence de soufre pour reformer du sulfure de plomb noir.

Les Romains emploient également massivement dans la décoration et les badigeons, le rouge magnifique donné par le cinabre (sulfure de mercure HgS). Mais le cinabre exposé à la lumière est remplacé par un composé noir, comme le montre les peintures de Pompéi.

Récemment des fragments de peintures romaines à base de cinabre ont été découvertes à Arles : leur fraicheur est la conséquence de leur enfouissement pendant 2 millénaires !

Le réalgar (As4S4 de l’arabe rhag al ghar : poussière des cavernes) est plutôt orangé et se trouve à Matra en Corse avec l’orpiment, tout aussi toxique.

Les Egyptiens utilisent aussi des silicates à base de cuivre et de calcium qui leur permettent de colorer d’un émail bleu ou vert des statuettes rituelles et des amulettes. Ils sont nommés « bleu égyptien » et « vert égyptien », et sont fait à base de cuprowollastonite (Ca,Cu)SiO3 mélangé au verre. Mais le bleu le plus noble découvert dans l’Antiquité est le bleu outremer naturel fabriqué à partir de la pierre ornementale venant d’Afghanistan appelée lapis-lazuli. La couleur bleue vient du minéral bleu qu’elle contient, la lazurite, qui est associée à la pyrite et la calcite. Depuis l’Antiquité, le vert provient surtout de la malachite, des terres argileuses vertes.

Stibine

Les pigments minéraux pour le maquillage corporel dans l’Antiquité

Les couleurs utilisées le plus couramment sont le noir, le blanc, le rouge et les ocres. De nombreux pigments extraits de plantes sont utilisés mais également des minéraux broyés finement et mélangés à des graisses, des cires ou des résines pour enduire la peau.

Le blanc est obtenu traditionnellement avec le blanc de plomb (la céruse) mais aussi avec de la craie faite de calcite. Il existe aussi l’argile blanche, comme la kaolinite et le talc. La céruse provoque de graves problèmes de peau et de santé à cause du plomb qu’elle contient.

Le noir est fabriqué avec de la galène (sulfure de plomb, PbS) broyée, puis mélangée au soufre et à de la graisse. Le tout forme le traditionnel khôl, reconnu aussi comme remède contre les infections oculaires dès la période égyptienne. En cause, l’acétate de plomb contenu qui, à très faible dose, est un antibactérien de l’œil.

Le mascara est fabriqué à partir de poudre de sulfure d’antimoine, ou de la stibine (Sb2S3), mélangée à la gomme arabique voire du bitume naturel qu’on trouvait en Arabie.

D’autres couleurs, provenant de terres naturelles comme l’ocre, le rouge et le jaune, le lapis lazuli ou l’azurite pour le bleu, la malachite et même l’orpiment jaune, et le cinabre rouge sont utilisés malgré leur toxicité.